Que faire des prophéties?



Il y a un bon et mauvais usage des prophéties. Il est des gens, mûs par je ne sais quelle fascination pour la destruction apocalyptique, qui les prennent à la lettre, sans souvent prendre garde qu'elles sont ainsi souvent contradictoires, dans le détail, et s'attendent toujours à ce que le pire arrive. Mais les prophéties envoyées par le Seigneur ont une double fonction : celle d'avertir, et celle d'inviter les croyants à la prière et à la repentance. Elles peuvent tout d'abord les avertir de certains passages obligés de l'histoire humaine, moments qui se réaliseront nécessairement. La grande Apostasie, dans le registre pessimiste, et le règne de la Paix, dans le registre optimiste, en sont des exemples fournis par les prophètes de l'Ancien et du Nouveau Testament. Mais toutes les prophéties ne se réalisent pas (sauf celles de la Bible qui décrit ces passages obligés). Ce serait faire trop peu de cas de la liberté humaine que le nier. Nous avons une certaine marge de manoeuvre relativement à ces passages obligés. La plupart des prophéties ont ainsi une valeur conditionnelle, prévoyant la réalisation du pire si rien n'est fait. Lorsqu'elles ne se réalisent pas, cela ne veut pas dire qu'elles étaient fausses, mais qu'elles ont tout simplement joué leur fonction d'avertissement.




Comment fonctionne le prophétisme? Il serait bien aventureux de donner une 'théorie' d'un pareil phénomène, bien que la doctrine chétienne nous permette de le saisir. Dieu n'est pas un Dieu lointain, perdu dans les nuages, mais proche de nous, proche de Sa création. Il est même plus proche de nous qu'aucune autre créature, il est même 'plus intime à moi que moi-même'(Saint Augustin). « N'est-ce pas Moi qui remplis le ciel et la terre ? »(Jérémie 23, 24) Notre baptême ayant fait de nous des prophètes dans l'Esprit Saint, Il nous inspire par là des pensées, des actes, des émotions, souvent à notre insu. Parfois, cependant, Il se manifeste de façon plus sensible à certaines personnes . D'une façon générale, l'on distingue différents types de révélations prophétiques.

Tout d'abord, les visions. La plus haute forme de vision est la vision béatifique, qui nous ouvre à l'essence même de Dieu et nous comble d'une joie parfaite. C'est celle des élus qui voient la face de Dieu. Quelques saints, dès cette terre, ont pu l'obtenir. Ensuite vient la vision abstractive, permettant de voir Dieu non en lui-même mais de façon indirecte et comme dans un miroir. La troisième forme est la vision intellectuelle, semblable à la première, mais concernant les choses matérielles et spirituelles, les vérités et les mystères intelligibles. C'est une lumière surnaturelle donnée par Dieu lui-même à l'entendement, et que les démons ne peuvent falsifier. La vision imaginaire s'effectue dans l'imagination; elles ont souvent un caractère symbolique et pédagogique; ce sont souvent des anges qui les donnent, l'ange gardien surtout. Elles sont parfois contrefaites par des démons. Les visions corporelles sont celles qui ouvrent à l'invisible et nous permettent de voir directement les anges et les saints, qui parlent alors directement. Les apparitions mariales sont de cet ordre1. Les prophéties, qui portent rarement sur Dieu pris en Lui-même mais sur les événements historiques assez concrets, sont souvent accompagnées de visions imaginaires.

L'autre type de révélation sont les locutions intérieures, par lesquelles Dieu (ou un ange, ou un saint) s'exprime directement à l'intérieur de l'esprit sans que celui-ci fasse d'autre effort que d'écouter. Saint Jean de la Croix appelle locution « ou paroles surnaturelles formelles, les paroles distinctes que l'esprit reçoit, non pas de lui-même, mais d'une autre personne, que ce soit ou non dans un moment de recueillement »2 Le théologien Tanquerey les définit comme des « manifestations de la pensée divine, comprises par les sens internes ou externes »3

La Bible nous offre de nombreux exemples de pareilles révélations. Les grands prophètes, comme Daniel, ou St Jean, ont souvent à la fois des visions corporelles (apparition de l'Ange du Seigneur) et des visions imaginaires. Certains passages de l'Ancien Testament indiquent même que certains rêves sont de véritables visions imaginaires envoyées de Dieu par l'ange gardien : ce sont les songes, qui se distinguent des simples rêves (Job 33,14-18). « Que le prophète qui a un songe raconte son songe, mais que celui qui a ma parole proclame exactement ma parole »(Jérémie 23, 28)

En ce qui concerne le Nouveau Testament, les Actes des Apôtres montrent l'étendue du prophétisme parmi les premiers chrétiens. St Paul et St Pierre ont souvent des locutions intérieures accompagnées de visions imaginaires. La rédaction des Evangiles dut certainement se faire à la fois par l'inspiration de l'Esprit Saint et par de pareilles locutions intérieures. Mais l'Esprit Saint n'a pas achevé sa tâche avec les Evangiles, et le prophétisme n'a jamais cessé depuis lors. Saint Paul, dans sa Première Epître aux Thessaloniciens, donne ce ferme commandement : « N'éteignez pas l'Esprit, ne méprisez pas les paroles des prophètes. » L'Eglise Catholique distingue la révélation publique, l'Evangile, qui donne le fondement de la foi, et les révélations privées, qui sont souvent bien utiles.

« S'il arrive malheur dans une ville, n'est-ce pas le Seigneur qui l'a fait? Car le Seigneur Dieu ne fait rien sans révéler son secret à ses serviteurs les prophètes »(Amos, 3, 6-7)




Les prophéties se réalisent-elles toujours? Le prophète n'est pas un voyant muni de dons surnaturels lui permettant de 'voir' l'avenir. Ce qui est vu n'est pas l'avenir en lui-même, mais une possibilité subsistant dans l'entendement divin - car en théologie catholique, le Verbe est le lieu des possibles. Cette possibilité, Dieu communique directement ou par le truchement d'un ange, en une vision ou locution intérieure. Elle correspond à un dessein de Dieu, le plus souvent un avertissement. Elles sont la plupart du temps conditionnelles et réversibles.

« Tantôt je décrète de déraciner, de renverser et de ruiner une nation ou un royaume. Mais si cette nation se convertit du mal qui avait provoqué mon décret, je renonce au mal que je pensais lui faire. Tantôt je décrète de bâtir et de planter une nation ou un royaume. Mais si, au lieu d'écouter ma voix, ils se mettent à faire le mal que je réprouve, je renonce au bien que j'avais décidé de leur faire. »(Jérémie 18, 7-8)

Un exemple de menace non réalisée est celle rapportée au livre de Jonas. Le Seigneur s'adresse à Jonas : « Lève-toi! Va à Ninive la grande ville et profère contre elle un oracle parce que la méchanceté de ses habitants est montée jusqu'à moi. »(1,1). La menace est ferme, et semble inconditionnelle : « Encore quarante jours et Ninive sera mise sens dessus dessous. »(3, 4). Les habitants la prennent au sérieux et font pénitence. « Dieu vit leur réaction : ils revenaient de leur mauvais chemin. Aussi revint-il sur sa décision de leur faire le mal qu'il avait annoncé. Il ne le fit pas. »(3, 3)

Autre fut la réaction des habitants de Sodome et Gomorrhe, autre fut celle du Seigneur : « le Seigneur fit pleuvoir sur Sodome et Gomorrhe du soufre et du feu. Cela venait du ciel et du Seigneur (...) une fumée montait de la terre comme la fumée d'une fournaise »(Gn 19, 24; 19, 28)


Comment éviter le pire?

La prière est toute-puissante auprès de Dieu. Si Dieu existe et remplit toute chose, Il connaît les mouvements les plus secrets de notre âme. Toute prière est écoutée. Une prière faite avec ferveur, en posant l'acte de foi qu'Il nous écoute, est forte auprès de Lui, et peut modifier le cours de l'histoire.

Le livre de Nelli Astelli Hidalgo, Sauver ce qui était perdu, rapporte une anecdote intéressante, vécue dans un groupe du renouveau catholique charismatique au Chili. Lors d'une rencontre, une personne du groupe qui avait un charisme de prophétie prit la parole : dans une vision, elle avait vu le fils d'une des participantes être assassiné par deux bandits. Immédiatement, le groupe se mit à prier le Seigneur pour que cela n'arrive pas et Le loua d'avance de les avoir écoutés. Le lendemain, la mère rencontra son fils : il avait été agressé la veille par deux malfaiteurs à qui il avait échappé de justesse. Le Seigneur avait montré au groupe un avenir possible, que la prière a pu conjurer.

Un autre moyen est la pénitence. Par notre baptême nous sommes prêtres, prophètes, et rois. Cela ne signifie pas que nous sommes tous appelés à devenir présidents de la République ou à célébrer la messe (ce sont des vocations particulières), mais que nous participons à la personne royale, sacerdotale et prophétique du Christ. Cela signifie, être membre du Corps Mystique du Christ, et partager ses souffrances et ses joies. En conséquence, nous pouvons offrir nos souffrances, nos pénitences et nos jeûnes au Seigneur pour telle ou telle intention - pour les catholiques, cela peut se faire par les mains de Marie.

En ce qui concerne Paris, des instructions spécifiques ont été données : c'est le thème de la section suivante.

Achevons sur un message de la Vierge Marie relativement aux prophéties :

« Ne vous arrêtez pas aux prédictions que Je vous fais en cherchant à vous faire comprendre les temps que vous vivez. En tant que maman, je vous indique les dangers que vous courez, les menaces qui pèsent sur vous, ce qui pourrait vous arriver de mal, uniquement parce que ce mal peut être encore évité par vous, parce que les dangers peuvent encore être écartés, parce que le dessein de la justice de Dieu peut toujours être modifié par la force de son amour miséricordieux. Même lorsque Je vous annonce les châtiments, rappelez-vous que tout peut être modifié à tout instant par la force de votre prière et de votre pénitence réparatrice.

Ne dites donc pas - ce que tu nous as annoncé, ne s'est pas réalisé - mais remerciez avec Moi le Père céleste, parce que, en raison de la réponse faire de prière et de consécration, en raison de votre souffrance, de l'immense souffrance de tant de mes enfants, le Père céleste ajourne encore le temps de la justice, pour que puisse fleurir celui de la grande miséricorde. »(message n.282 de Marie le 24 janvier 1984, Mouvement Sacerdotal Marial, Aux Prêtres, les fils de prédilection de la Vierge, CIMSM, 1998)









1Marie d'Agréda, Vie divine de la très sainte vierge, éd. Téqui, p.32 n.2

2St Jean de la Croix, Montée du Carmel, ch.26, n.2

3Tanquerey, Traité de théologie ascétique et mystique, ch.3, n.1494